Charles Darwin

La théorie de l'évolution

La dualité de la théorie Darwinienne


1. Evolutionnisme haut
  • Avant le mot « évolution »

Dans la première édition de « De l’origine des espèces », Charles Darwin n’emploie le mot « évolution » que très peu, il préfère l’expression « descendance modifiée ». Son interprétation du monde est basée sur cette expression. Pour Darwin, la vie est unique. Tous les organismes sont issus d’un prototype inconnu ayant vécu dans des temps lointains. Les descendants de cet organisme originel se sont répandus, et ont accumulé des modifications, ou adaptations, les rendant aptes à vivre dans leur environnement respectif.

On peut imaginer l’histoire de la vie sur Terre selon la conception Darwinienne comme un arbre dont le tronc serait l’être premier et les branches les différentes voies d’évolution empruntées par l’espèce, avec au plus extrême de la branche, la version la plus évoluée de l’organisme.

Ainsi, les espèces apparentées telles que l’éléphant d’Asie et l’éléphant d’Afrique, on beaucoup de caractéristiques en commun, car elles sont issues du même arbre. La majorité des branches de l’arbre débouchent sur un cul de sac.

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Descendance modifiée.

En réalité, c’est Linné, partisan du fixisme, qui a donné à Darwin l’accès au lien vers l’évolution. En effet, c’est Linné qui a inventé la taxinomie, qui consiste à nommer chaque espèce par son groupe d’appartenance suivit de son identité dans ce groupe (exemple : éléphant d’Afrique Loxodonta africana). Cela a indiqué à Darwin l’existence de groupes subordonnés aux groupes, et donc d’une possible lignée commune. Selon Darwin, les ramifications de l’arbre de l’évolution sont données par la hiérarchie linnéenne. Ainsi par exemple, Lion (Panthera leo) et Tigre (Panthera tigris), faisant partie des félidés, ont un ancêtre commun plus récent que deux espèces plus éloignées comme le Lion et l’éléphant d’Afrique cité plus haut.

Ceci dit, les changements de grande envergure qui ont créé des animaux très différents tels qu’un babouin et un dauphin, se déroulent sur des périodes très longues, plusieurs centaines de millions d’années. Les progrès biologiques tels que la biologie moléculaire confirment la vision darwinienne de l’évolution.

  • Les Archives géologiques

Les fossiles permettent de retracer l’histoire de l’évolution. En effet, en appliquant les principes géologiques de datation relative et de datation absolue, on peut dater les différents fossiles retrouvés dans les couches géologiques, et donc retracer les ordres d’apparition. Ainsi, les plus anciens fossiles et donc être vivants connus sont des procaryotes (des bactéries). On peut donner une chronologie :

    • Poissons

    • Amphibiens

    • Reptiles

    • Mammifères

    • Oiseaux

Ces archives tendent à prouver que la théorie créationniste n’est pas vérifiable, car selon elle, on devrait trouver des fossiles de toutes les espèces dès les couches les plus profondes.

Selon la vision darwinienne, les archives géologiques doivent témoigner des stades de l’évolution. C’est le cas pour certaines espèces ; on a en effet retrouvé plusieurs stades de fossiles qui relient les espèces les plus anciennes aux espèces modernes. On a par exemple retrouvé des fossiles de baleines prouvant leur origine terrestre.

  • Les homologies

L’expression « descendance modifiée » utilisé par Darwin dans « De l’origine des espèces » pour désigner l’évolution signifie que de nouvelles espèces descendent d’une même espèce qui a accumulé des mutations à cause d’une adaptation nécessaire à différents milieux. Les espèces ayant des ancêtres communs présentent des similitudes même si les caractères n’ont plus la même fonction. La ressemblance entre des caractères de deux espèces ayant des ancêtres communs est appelée homologie.

    • Homologie anatomique

Les ressemblances entrent des espèces ayant un ancêtre commun et appartenant au même groupe taxinomique sont flagrantes.

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Exemple: membres antérieurs de différents mammifères.

Ici, on parle de structures homologues car les différentes espèces ont une organisation des membres antérieurs analogue sur le plan structurel (ordre et type des os). Ces modifications contribuent à s’adapter à un milieu.

L’anatomie comparée permet de confirmer que l’évolution est un processus de remodelage des caractères pour s’adapter à un milieu de vie. Elle consiste en l’étude de caractères homologues chez différentes espèces d’un même groupe taxinomique. Les contraintes témoignent particulièrement des imperfections anatomiques telles que la rotule et la colonne vertébrale de l’Homme qui ne sont pas adaptées à la posture debout, et provoquent des problèmes au niveau de ces structures à partir d’un certain âge.

Les structures les plus intéressantes sont peut-être les organes vestigiaux qui ont perdu leur utilité pour la forme actuelle de l’animal mais qui avaient une utilité primordiale chez leurs ancêtres (exemple : certains serpents présentent des vestiges d’os du bassin qui servaient à « attacher » les pattes, qui n’existe plus chez la plupart des serpents ou qui sont totalement atrophiées).

    • Homologie embryologique

Certaines homologies difficiles à trouver dans les organismes adultes peuvent être flagrantes lors du développement embryonnaire de l’organisme. Par exemple, tous les vertébrés présentent lors du développement embryonnaire des sacs branchiaux au niveau de la gorge qui se transforment ensuite en différents organes en fonction de l’espèce (branchies chez les poissons, et en trompes auditives chez l’Homme et d’autres mammifères).

    • Homologie et arbres de vie

Les homologies témoignent de la hiérarchie taxinomique de l’arbre de l’évolution. Le code génétique par exemple est présent dans tous les êtres vivants car il est issu d’un passé lointain mais commun à toutes les espèces. En revanche, les homologies issues de modifications plus récentes ne sont partagées que par certaines branches de l’arbre, tel que la structure à cinq doigts partagés par la plupart des Amphibiens, des Reptiles, les Oiseaux et les Mammifères (cf. figure précédente). Les homologies ont donc, comme l’arbre de l’évolution, une structure ramifiée. Tous les êtres vivants ont un tronc commun de caractéristiques (ADN, etc.) et tous les groupes et sous groupes ont des structures particulières à leur groupe. Cette hiérarchie indique l’existence d’une ascendance commune. Il n’y aurait pas de hiérarchie si les espèces s’étaient développées indépendamment les unes des autres.

Les nouveaux outils de la biologie corroborent la théorie de l’évolution. L’ADN montre par des séquences identiques que les espèces sont probablement issues de la même espèce originelle.

  • Biogéographie

La répartition géographique des espèces, ou biogéographie, a amenée Darwin à envisager l’évolution. C’est en effet en observant les fameux Pinsons des Galapagos, et leurs différences selon la répartition géographique, que Darwin a pensé à la séparation et à l’évolution séparée de différents groupes originaires d’une même espèce. Ainsi, deux espèces proches géographiquement ont plus de choses en commun que deux espèces éloignées mais qui vivent dans le même milieu, et qui ont le même mode de vie. Ainsi, deux espèces vivant en Australie et en Afrique, dans une savane semblable, avec un mode de vie semblable, et même des ressemblances physiques peuvent n’avoir en commun qu’un lointain ancêtre du temps où les continents ne faisait qu’un, alors que deux espèces apparemment différentes mais qui vivent par exemple toutes les deux sur le continent Australien peuvent avoir un ancêtre commun relativement proche.
Ce phénomène se retrouve le plus souvent sur différentes îles d’un archipel ou des îles proches d’un continent, où les espèces sont différentes physiquement, mais en réalité ressemblantes.
La biogéographie permet donc d’envisager l’évolution de plusieurs espèces issues d’un ancêtre commun avec en tête l’idée que les différents chemins empruntés par ces deux espèces sont dues à la séparation géographique que différents groupes de leur ancêtre commun ont subis.

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Evolution des espèces de mouche du vinaigre dans l'archipel Hawaïen.

On peut donc dire que la vision Darwinienne de la vie prend sa base sur un ensemble de preuves physiques, biologiques, géographiques, des preuves visibles pour certaines, enfouies pour d’autres, mais qui prouvent que l’évolutionnisme est une théorie qui se réfère à des faits, et non à des suppositions, une véritable théorie scientifique.


2. Sélection naturelle et adaptation haut

Quel est le mécanisme de la sélection naturelle ? Et comment la sélection naturelle explique-t-elle l’adaptation? Un biologiste de l’évolution, Ernst Mayr, a décomposé la théorie darwinienne de la sélection naturelle en cinq propositions desquelles découlent trois inférences.

Propositions 1: Toutes les espèces ont une telle fécondité potentielle que leur effectif croîtrait de manière exponentielle si tous les descendants engendrés réussissaient à se reproduire.

Proposition 2: Malgré les variations saisonnières, la taille des populations reste généralement stable.

Proposition 3: Les ressources naturelles sont limitées.

INFERENCE 1: La présence d’un nombre d’individus trop élevé par rapport aux ressources d’un milieu entraîne une lutte pour l’existence entre les membres d’une population ; une fraction seulement des descendants survit à chaque génération.

Proposition 4: Les caractéristiques des individus d’une population varient énormément ; il n’existe pas deux individus parfaitement identiques.

Proposition 5: Les variations sont en grande partie héréditaires.

INFERENCE 2: La survie n’est pas laissée au hasard dans la lutte pour l’existence des espèces, elle dépend en partie de la constitution héréditaire. Les individus qui sont les plus aptes à affronter leur environnement grâce aux caractères dont ils ont hérité produisent vraisemblablement plus de descendants que les autres.

INFERENCE 3: Les individus n’ayants plus les mêmes aptitudes à la survie et à la reproduction se modifient graduellement ; les caractères favorables s’accumulent au fil des générations.

Le résumé des idées principales de Darwin est le suivant :

  • La sélection naturelle correspond au succès différentiel dans la reproduction (les capacités des individus à la survie et à la reproduction ne sont pas les mêmes).

  • La sélection naturelle repose sur une interaction entre le milieu et la variabilité propre aux organismes composant une population.

  • La sélection naturelle débouche sur l’adaptation des populations à leurs environnements.

Nous allons nous intéresser aux rapports importants établis par Darwin entre la lutte pour l’existence, la sélection naturelle et la capacité des organismes à trop se reproduire. Darwin a admis le principe de la lutte pour l’existence après avoir été inspiré par l’œuvre de Thomas Malthus au sujet de la population humaine. Celui-ci affirme que la majorité des souffrances de l’Humain –la maladie, la famine, l’itinérance à la guerre- découlent inéluctablement de sa tendance à croître plus rapidement que les ressources et l’approvisionnement en aliments. Cependant, sur le grand nombre d’œufs pondus et de graines disséminées, une infime fraction seulement d’individus mènent à terme leur développement et se reproduisent à leur tour. Les autres sont dévorés par les prédateurs ou meurent pour d’autres raisons dues à l’environnement (gel, absence de nourriture, la maladie…), ou bien ne trouvent pas de partenaires ou sont inaptes à la reproduction.

A chaque génération, des facteurs environnementaux filtrent les variations héréditaires – soit le fait que l’organisme bénéficie de caractères favorables produisant davantage de descendant que les autres – résultent de la fréquence accrue de caractères favorables à la génération suivante : c’est l’évolution.

Darwin a choisi d’invoquer la sélection artificielle pour illustrer la puissance de la sélection en tant que force évolutive, c’est-à-dire l’élevage par les Humains. Au fil des générations, les Humains ont modifié certaines espèces en sélectionnant des géniteurs ayants les caractères souhaités. Les plantes et les animaux dont nous nous servons pour nous nourrir n’ont que très peut de ressemblances avec leurs ancêtres sauvages. Les animaux de compagnie montrent particulièrement bien les effets de sélection naturelle, en effet ceux-ci ayants été élevés pour des raisons plus proches de la fantaisie que de l’utilité.

Si la sélection naturelle engendre autant de changements en une durée de temps relativement courte, se disait Darwin, alors la sélection naturelle devrait produire des modifications considérables sur une période couvrant des centaines ou des milliers de générations. Même si les bénéfices de certains caractères héréditaires sont tenus, les variations vont s’accumuler dans la population après de nombreuses générations de sélection naturelle, alors que les variations moins favorables seront éliminées.

Darwin a intégré le gradualisme, une notion au cœur de la théorie géologique de Lyell, à la théorie de l’évolution. Il envisage la vie sous l’angle d’une évolution issue de l’accumulation graduelle de changements minuscules. Il postule que la sélection naturelle peut rendre compte de toute la diversité de la vie.

Les deux éléments principaux de la pensée de Darwin  sont:

  1. Les diverses espèces contemporaines descendent, avec modifications, d’espèces ancestrales.

  2. Le mécanisme de la modification est la sélection naturelle, dont l’action se produit sur une très longue période.

Quelques subtilités de la sélection naturelle. Ici on traitera de certaines subtilités de la sélection naturelle. En premier lieu, nous verrons l’importance des populations dans l’évolution. Si la sélection met en jeu des interactions entre les individus et leur milieu, les individus eux-mêmes n’évoluent pas. L’évolution ne peut se mesurer en fonction des changements observés dans les proportions des variations héréditaires au sein d’une population donnée et d’un espace de temps.

De plus, la sélection naturelle ne peut amplifier ou diminuer les variations héréditaires. Un organisme peut se modifier à la suite de ses expériences, et ses caractères acquis peuvent favoriser son adaptation à son milieu. Cependant rien ne prouve que les caractères acquis pendant la vie se transmettent aux descendants génétiquement. Apparaît donc la distinction entre adaptation qu’un organisme développe du fait de ses actions et les adaptations qui apparaissent graduellement dans une population, après de nombreuses générations par la sélection naturelle.

La sélection dépend de l’espace et du temps : Les facteurs environnementaux varient d’un endroit et d’une époque à l’autre. Un changement qui constitue une adaptation dans une situation particulière peut devenir inutile, voir nuisible, dans des conditions différentes.


3. Quelques exemples haut

La sélection naturelle et l’évolution adaptative qu’elle entraîne constituent des phénomènes observables. Examinons maintenant deux autres exemples de sélection naturelle en tant que mécanisme régissant l’évolution de populations.

La sélection naturelle à l’action : l’évolution d’insectes résistants aux insecticides.

Parmi les exemples les plus classiques – et les plus inquiétants – de la sélection naturelle, on peut donner celui de l’évolution de la résistance aux insecticides chez des centaines d’espèces d’insectes. Les insecticides sont des substances chimiques employées pour tuer des insectes nuisibles. L’Humain recourt à ces produits pour maîtriser les populations d’insectes qui ravagent les récoltes, qui transmettent certaines maladies (comme la malaria ou le paludisme) ou qui l’ennuient à la maison ou en camping. Cependant, ces armes chimiques sont à double tranchant. Les poisons épandus ne touchent pas uniquement les insectes ciblés, et leur usage généralisé débouche sur des problèmes environnementaux immenses. Pour l’instant, contenons-nous d’étudier les incidences de l’introduction de ces produits chimiques dans les environnements peuplés d’insectes.

Quand un nouveau type d’insecticide fait son apparition sur le marché, les choses se déroulent généralement suivant les mêmes étapes. Au début, les résultats sont encourageants. Il suffit d’asperger une quantité relativement petite de l’agent en question pour tuer 99% des insectes. Toutefois, les épandages suivants sont moins efficaces. Une première solution consiste à accroître la quantité de produit utilisé, ce qui se traduit par les coûts beaucoup plus élevés (sans oublier les grandes répercussions environnementales). On peut aussi passer à un autre insecticide, jusqu’au jour où il devient à son tour inefficace.

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Evolution de la résistance aux insecticides dans une population d'insectes.

C’est le processus de sélection naturelle qui provoque la résistance aux insecticides. En effet les quelques insectes survivant au premier épandage sont pourvus de gènes qui leur permettent de résister à l’assaut chimique. Dans certains cas, quelques-uns d’entre eux ont même des gènes codant pour des enzymes capables de détruire l’insecticide. Le poison tue donc la plupart des membres de la population initiale, mais il laisse en vie les individus résistants. Ces derniers se reproduisent et transmettent à leurs descendants les gènes qui leur confèrent l’immunité. À chaque génération la proportion d’individus résistants à l’insecticide augmente. On dit que ces insectes se sont adaptés à un changement dans leur environnement.

Cet exemple d’adaptation des insectes aux insecticides met en évidence deux points clés touchant la sélection naturelle. Tout d’abord, cette dernière se fait davantage par suppression sélective que par création brute. En effet, un insecticide ne crée pas des individus résistants : il sélectionne plutôt ceux qui sont déjà présents dans la population. Ensuite, la sélection naturelle dépend de facteurs géographiques et temporels. Elle favorise les caractères les plus adaptés au milieu local et les plus appropriés à la situation présente. Un élément jugé adaptatif dans une situation peut devenir inutile voire nuisible, dans des circonstances différentes. Par exemple, certaines mutations génétiques qui confèrent à la Mouche domestique (Musca domestica) une résistance au DDT réduisent aussi son rythme de croissance. Avant que cet insecticide soit présent dans l’environnement, ces gènes particuliers constituaient un handicap pour la mouche. Toutefois, avec l’apparition du DDT, le changement du milieu a favorisé la survie des individus résistants aux insecticides.

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