La dualité de la théorie Darwinienne
Dans la première édition de « De l’origine des
espèces », Charles Darwin n’emploie le mot
« évolution » que très peu, il
préfère l’expression « descendance
modifiée ». Son interprétation du monde est
basée sur cette expression. Pour Darwin, la vie est unique.
Tous les organismes sont issus d’un prototype inconnu ayant
vécu dans des temps lointains. Les descendants de cet
organisme originel se sont répandus, et ont accumulé
des modifications, ou adaptations, les rendant aptes à vivre
dans leur environnement respectif.
On peut imaginer l’histoire de la vie sur Terre selon la conception
Darwinienne comme un arbre dont le tronc serait l’être
premier et les branches les différentes voies d’évolution
empruntées par l’espèce, avec au plus extrême
de la branche, la version la plus évoluée de
l’organisme.
Ainsi, les espèces apparentées telles que l’éléphant
d’Asie et l’éléphant d’Afrique, on
beaucoup de caractéristiques en commun, car elles sont issues
du même arbre. La majorité des branches de l’arbre
débouchent sur un cul de sac.
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Descendance modifiée. |
En réalité, c’est Linné, partisan
du fixisme, qui a donné à Darwin l’accès
au lien vers l’évolution. En effet, c’est Linné
qui a inventé la taxinomie, qui consiste à nommer
chaque espèce par son groupe d’appartenance suivit de
son identité dans ce groupe (exemple : éléphant
d’Afrique Loxodonta africana). Cela a indiqué à
Darwin l’existence de groupes subordonnés aux groupes,
et donc d’une possible lignée commune. Selon Darwin, les
ramifications de l’arbre de l’évolution sont
données par la hiérarchie linnéenne. Ainsi par
exemple, Lion (Panthera leo) et Tigre (Panthera tigris), faisant
partie des félidés, ont un ancêtre commun plus
récent que deux espèces plus éloignées
comme le Lion et l’éléphant d’Afrique cité
plus haut.
Ceci dit, les changements de grande envergure qui ont créé
des animaux très différents tels qu’un babouin et
un dauphin, se déroulent sur des périodes très
longues, plusieurs centaines de millions d’années. Les
progrès biologiques tels que la biologie moléculaire
confirment la vision darwinienne de l’évolution.
Les fossiles permettent de retracer l’histoire de
l’évolution. En effet, en appliquant les principes
géologiques de datation relative et de datation absolue, on
peut dater les différents fossiles retrouvés dans les
couches géologiques, et donc retracer les ordres d’apparition.
Ainsi, les plus anciens fossiles et donc être vivants connus
sont des procaryotes (des bactéries). On peut donner une
chronologie :
Poissons
Amphibiens
Reptiles
Mammifères
Oiseaux
Ces archives tendent à prouver que la théorie
créationniste n’est pas vérifiable, car selon
elle, on devrait trouver des fossiles de toutes les espèces
dès les couches les plus profondes.
Selon la vision darwinienne, les archives géologiques
doivent témoigner des stades de l’évolution.
C’est le cas pour certaines espèces ; on a en effet
retrouvé plusieurs stades de fossiles qui relient les espèces
les plus anciennes aux espèces modernes. On a par exemple
retrouvé des fossiles de baleines prouvant leur origine
terrestre.
L’expression « descendance modifiée »
utilisé par Darwin dans « De l’origine des espèces »
pour désigner l’évolution signifie que de
nouvelles espèces descendent d’une même espèce
qui a accumulé des mutations à cause d’une
adaptation nécessaire à différents milieux. Les
espèces ayant des ancêtres communs présentent des
similitudes même si les caractères n’ont plus la
même fonction. La ressemblance entre des caractères de
deux espèces ayant des ancêtres communs est appelée
homologie.
Les ressemblances entrent des espèces ayant un ancêtre
commun et appartenant au même groupe taxinomique sont
flagrantes.
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Exemple: membres antérieurs de différents
mammifères. |
Ici, on parle de structures homologues car les
différentes espèces ont une organisation des membres
antérieurs analogue sur le plan structurel (ordre et type des
os). Ces modifications contribuent à s’adapter à
un milieu.
L’anatomie comparée permet de confirmer que
l’évolution est un processus de remodelage des
caractères pour s’adapter à un milieu de vie.
Elle consiste en l’étude de caractères homologues
chez différentes espèces d’un même groupe
taxinomique. Les contraintes témoignent particulièrement
des imperfections anatomiques telles que la rotule et la colonne
vertébrale de l’Homme qui ne sont pas adaptées à
la posture debout, et provoquent des problèmes au niveau de
ces structures à partir d’un certain âge.
Les structures les plus intéressantes sont peut-être
les organes vestigiaux qui ont perdu leur utilité pour la
forme actuelle de l’animal mais qui avaient une utilité
primordiale chez leurs ancêtres (exemple : certains
serpents présentent des vestiges d’os du bassin qui
servaient à « attacher » les pattes, qui
n’existe plus chez la plupart des serpents ou qui sont
totalement atrophiées).
Certaines homologies difficiles à trouver dans les
organismes adultes peuvent être flagrantes lors du
développement embryonnaire de l’organisme. Par exemple,
tous les vertébrés présentent lors du
développement embryonnaire des sacs branchiaux au niveau de la
gorge qui se transforment ensuite en différents organes en
fonction de l’espèce (branchies chez les poissons, et en
trompes auditives chez l’Homme et d’autres mammifères).
Les homologies témoignent de la hiérarchie
taxinomique de l’arbre de l’évolution. Le code
génétique par exemple est présent dans tous les
êtres vivants car il est issu d’un passé lointain
mais commun à toutes les espèces. En revanche, les
homologies issues de modifications plus récentes ne sont
partagées que par certaines branches de l’arbre, tel que
la structure à cinq doigts partagés par la plupart des
Amphibiens, des Reptiles, les Oiseaux et les Mammifères (cf.
figure précédente). Les homologies ont donc, comme
l’arbre de l’évolution, une structure ramifiée.
Tous les êtres vivants ont un tronc commun de caractéristiques
(ADN, etc.) et tous les groupes et sous groupes ont des structures
particulières à leur groupe. Cette hiérarchie
indique l’existence d’une ascendance commune. Il n’y
aurait pas de hiérarchie si les espèces s’étaient
développées indépendamment les unes des autres.
Les nouveaux outils de la biologie corroborent la théorie
de l’évolution. L’ADN montre par des séquences
identiques que les espèces sont probablement issues de la même
espèce originelle.
La répartition géographique des espèces, ou
biogéographie, a amenée Darwin à envisager
l’évolution. C’est en effet en observant les
fameux Pinsons des Galapagos, et leurs différences
selon la répartition géographique, que Darwin a pensé
à la séparation et à l’évolution
séparée de différents groupes originaires d’une
même espèce. Ainsi, deux espèces proches
géographiquement ont plus de choses en commun que deux espèces
éloignées mais qui vivent dans le même milieu, et
qui ont le même mode de vie. Ainsi, deux espèces vivant
en Australie et en Afrique, dans une savane semblable, avec un mode
de vie semblable, et même des ressemblances physiques peuvent
n’avoir en commun qu’un lointain ancêtre du temps
où les continents ne faisait qu’un, alors que deux
espèces apparemment différentes mais qui vivent par
exemple toutes les deux sur le continent Australien peuvent avoir un ancêtre commun relativement proche. Ce
phénomène se retrouve le plus souvent sur différentes
îles d’un archipel ou des îles proches d’un
continent, où les espèces sont différentes
physiquement, mais en réalité ressemblantes. La
biogéographie permet donc d’envisager l’évolution
de plusieurs espèces issues d’un ancêtre commun
avec en tête l’idée que les différents
chemins empruntés par ces deux espèces sont dues à
la séparation géographique que différents
groupes de leur ancêtre commun ont subis.
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Evolution des espèces de mouche du vinaigre dans l'archipel Hawaïen. |
On peut donc dire que la vision Darwinienne de la vie prend sa base
sur un ensemble de preuves physiques, biologiques, géographiques,
des preuves visibles pour certaines, enfouies pour d’autres,
mais qui prouvent que l’évolutionnisme est une théorie
qui se réfère à des faits, et non à des
suppositions, une véritable théorie scientifique.
2. Sélection naturelle et adaptation |
haut |
Quel est le mécanisme de la sélection naturelle ? Et comment la sélection
naturelle explique-t-elle l’adaptation? Un biologiste de
l’évolution,
Ernst Mayr, a décomposé la
théorie darwinienne de la sélection naturelle en cinq
propositions desquelles découlent trois inférences.
Propositions 1: Toutes les
espèces ont une telle fécondité potentielle que
leur effectif croîtrait de manière exponentielle si tous
les descendants engendrés réussissaient à se
reproduire.
Proposition 2: Malgré les variations saisonnières, la taille des populations reste
généralement stable.
Proposition 3: Les ressources
naturelles sont limitées.
INFERENCE 1: La présence d’un nombre d’individus trop élevé par
rapport aux ressources d’un milieu entraîne une lutte
pour l’existence entre les membres d’une population ;
une fraction seulement des descendants survit à chaque
génération.
Proposition 4: Les
caractéristiques des individus d’une population varient
énormément ; il n’existe pas deux individus
parfaitement identiques.
Proposition 5: Les variations
sont en grande partie héréditaires.
INFERENCE 2: La survie n’est pas laissée au hasard dans la lutte pour l’existence
des espèces, elle dépend en partie de la constitution
héréditaire. Les individus qui sont les plus aptes à
affronter leur environnement grâce aux caractères dont
ils ont hérité produisent vraisemblablement plus de
descendants que les autres.
INFERENCE 3: Les individus n’ayants
plus les mêmes aptitudes à la survie et à la
reproduction se modifient graduellement ; les caractères
favorables s’accumulent au fil des générations.
Le résumé des
idées principales de Darwin est le suivant :
La sélection naturelle correspond au succès différentiel dans la reproduction
(les capacités des individus à la survie et à la
reproduction ne sont pas les mêmes).
La sélection naturelle
repose sur une interaction entre le milieu et la variabilité
propre aux organismes composant une population.
La sélection naturelle
débouche sur l’adaptation des populations à leurs
environnements.
Nous allons nous intéresser aux rapports importants établis par Darwin entre la lutte pour
l’existence, la sélection naturelle et la capacité
des organismes à trop se reproduire. Darwin a admis le
principe de la lutte pour l’existence après avoir été
inspiré par l’œuvre de Thomas Malthus au sujet de
la population humaine. Celui-ci affirme que la majorité des
souffrances de l’Humain –la maladie, la famine,
l’itinérance à la guerre- découlent
inéluctablement de sa tendance à croître plus
rapidement que les ressources et l’approvisionnement en
aliments. Cependant, sur le grand nombre d’œufs pondus et
de graines disséminées, une infime fraction seulement
d’individus mènent à terme leur développement
et se reproduisent à leur tour. Les autres sont dévorés
par les prédateurs ou meurent pour d’autres raisons dues
à l’environnement (gel, absence de nourriture, la
maladie…), ou bien ne trouvent pas de partenaires ou sont
inaptes à la reproduction.
A chaque génération, des facteurs
environnementaux filtrent les variations héréditaires –
soit le fait que l’organisme bénéficie de
caractères favorables produisant davantage de descendant que
les autres – résultent de la fréquence
accrue de caractères favorables à la génération
suivante : c’est l’évolution.
Darwin a choisi d’invoquer la sélection artificielle pour illustrer la puissance de la
sélection en tant que force évolutive, c’est-à-dire
l’élevage par les Humains. Au fil des générations,
les Humains ont modifié certaines espèces en
sélectionnant des géniteurs ayants les caractères
souhaités. Les plantes et les animaux dont nous nous servons
pour nous nourrir n’ont que très peut de ressemblances
avec leurs ancêtres sauvages. Les animaux de compagnie montrent
particulièrement bien les effets de sélection
naturelle, en effet ceux-ci ayants été élevés pour des raisons plus proches de la fantaisie que de l’utilité.
Si la sélection naturelle engendre autant de changements en une durée de temps
relativement courte, se disait Darwin, alors la sélection
naturelle devrait produire des modifications considérables sur
une période couvrant des centaines ou des milliers de
générations. Même si les bénéfices
de certains caractères héréditaires sont tenus,
les variations vont s’accumuler dans la population après
de nombreuses générations de sélection
naturelle, alors que les variations moins favorables seront
éliminées.
Darwin
a intégré le gradualisme, une notion au cœur de la théorie géologique de
Lyell, à la
théorie de l’évolution. Il envisage la vie sous
l’angle d’une évolution issue de l’accumulation
graduelle de changements minuscules. Il postule que la sélection
naturelle peut rendre compte de toute la diversité de la vie.
Les deux éléments principaux de la pensée de Darwin sont:
Les diverses espèces
contemporaines descendent, avec modifications, d’espèces
ancestrales.
Le mécanisme de
la modification est la sélection naturelle, dont l’action
se produit sur une très longue période.
Quelques subtilités de la sélection naturelle. Ici on traitera de certaines
subtilités de la sélection naturelle. En premier lieu, nous
verrons l’importance des populations dans l’évolution.
Si la sélection met en jeu des interactions entre les
individus et leur milieu, les individus eux-mêmes n’évoluent
pas. L’évolution ne peut se mesurer en fonction des
changements observés dans les proportions des variations
héréditaires au sein d’une population donnée
et d’un espace de temps.
De plus, la sélection naturelle ne peut amplifier ou diminuer les variations héréditaires.
Un organisme peut se modifier à la suite de ses expériences,
et ses caractères acquis peuvent favoriser son adaptation à
son milieu. Cependant rien ne prouve que les caractères acquis
pendant la vie se transmettent aux descendants génétiquement.
Apparaît donc la distinction entre adaptation qu’un
organisme développe du fait de ses actions et les adaptations
qui apparaissent graduellement dans une population, après de
nombreuses générations par la sélection
naturelle.
La sélection dépend de l’espace et du temps : Les facteurs environnementaux
varient d’un endroit et d’une époque à
l’autre. Un changement qui constitue une adaptation dans une
situation particulière peut devenir inutile, voir nuisible,
dans des conditions différentes.
3. Quelques exemples |
haut |
La sélection naturelle et l’évolution adaptative qu’elle entraîne
constituent des phénomènes observables. Examinons
maintenant deux autres exemples de sélection naturelle en tant
que mécanisme régissant l’évolution de
populations.
La sélection naturelle à l’action : l’évolution d’insectes
résistants aux insecticides.
Parmi les exemples les plus classiques – et les plus inquiétants – de la
sélection naturelle, on peut donner celui de l’évolution
de la résistance aux insecticides chez des centaines d’espèces
d’insectes. Les insecticides sont des substances chimiques
employées pour tuer des insectes nuisibles. L’Humain
recourt à ces produits pour maîtriser les populations
d’insectes qui ravagent les récoltes, qui transmettent
certaines maladies (comme la malaria ou le paludisme) ou qui
l’ennuient à la maison ou en camping. Cependant, ces
armes chimiques sont à double tranchant. Les poisons épandus
ne touchent pas uniquement les insectes ciblés, et leur usage
généralisé débouche sur des problèmes
environnementaux immenses. Pour l’instant, contenons-nous
d’étudier les incidences de l’introduction de ces
produits chimiques dans les environnements peuplés
d’insectes.
Quand un nouveau type d’insecticide fait son apparition sur le marché, les
choses se déroulent généralement suivant les
mêmes étapes. Au début, les résultats sont
encourageants. Il suffit d’asperger une quantité
relativement petite de l’agent en question pour tuer 99% des
insectes. Toutefois, les épandages suivants sont moins
efficaces. Une première solution consiste à accroître
la quantité de produit utilisé, ce qui se traduit
par les coûts beaucoup plus élevés (sans
oublier les grandes répercussions environnementales). On peut
aussi passer à un autre insecticide, jusqu’au jour où
il devient à son tour inefficace.
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Evolution de la résistance aux insecticides dans une population d'insectes. |
C’est le processus de sélection
naturelle qui provoque la résistance aux insecticides. En
effet les quelques insectes survivant au premier épandage sont
pourvus de gènes qui leur permettent de résister à
l’assaut chimique. Dans certains cas, quelques-uns d’entre
eux ont même des gènes codant pour des enzymes capables
de détruire l’insecticide. Le poison tue donc la plupart
des membres de la population initiale, mais il laisse en vie les
individus résistants. Ces derniers se reproduisent et
transmettent à leurs descendants les gènes qui leur
confèrent l’immunité. À chaque génération
la proportion d’individus résistants à
l’insecticide augmente. On dit que ces insectes se sont adaptés
à un changement dans leur environnement.
Cet exemple d’adaptation des insectes aux insecticides met en évidence deux points clés
touchant la sélection naturelle. Tout d’abord, cette
dernière se fait davantage par suppression sélective
que par création brute. En effet, un insecticide ne crée
pas des individus résistants : il sélectionne
plutôt ceux qui sont déjà présents dans
la population. Ensuite, la sélection naturelle dépend
de facteurs géographiques et temporels. Elle favorise les
caractères les plus adaptés au milieu local et les plus
appropriés à la situation présente. Un élément
jugé adaptatif dans une situation peut devenir inutile voire
nuisible, dans des circonstances différentes. Par exemple,
certaines mutations génétiques qui confèrent à
la Mouche domestique (Musca domestica) une résistance
au DDT réduisent aussi son rythme de croissance. Avant que cet
insecticide soit présent dans l’environnement, ces gènes
particuliers constituaient un handicap pour la mouche. Toutefois,
avec l’apparition du DDT, le changement du milieu a favorisé
la survie des individus résistants aux insecticides. |